Cacao et climat: L’Afrique de l’Ouest représente le cœur battant de la production mondiale de cacao. À elle seule, la Côte d’Ivoire assure près de 40 % de l’approvisionnement mondial, suivie de près par le Ghana, le Nigeria et le Cameroun. Ce secteur fait vivre des millions de petits producteurs, alimente les économies locales et joue un rôle central dans l’industrie chocolatière mondiale.
Mais cette stabilité apparente est gravement menacée. Le changement climatique, à travers des modifications profondes des régimes de précipitations, une hausse des températures, la multiplication des événements extrêmes, et la déforestation, affecte déjà les rendements, la qualité des fèves et la pérennité des systèmes de culture.
1. Le cacao, une culture sensible au climat
Le cacao (Theobroma cacao), littéralement « nourriture des dieux » en grec, est une plante tropicale originaire d’Amérique centrale, aujourd’hui cultivée principalement en Afrique de l’Ouest. Sa fève, après fermentation, séchage et transformation, donne naissance au chocolat, un produit consommé et commercialisé à l’échelle planétaire.

Mais derrière cette gourmandise universelle se cache une réalité agroécologique fragile : le cacaoyer est extrêmement sensible aux variations climatiques. Sa productivité dépend d’un équilibre environnemental étroit : une température constante entre 22 °C et 26 °C, une pluviométrie abondante et bien répartie (1 500 à 2 000 mm par an), une humidité élevée et des sols riches en matière organique.[1]
Contrairement à des cultures plus robustes, comme le manioc ou le maïs, le cacaoyer tolère mal les extrêmes : trop de pluie favorise les maladies fongiques, tandis qu’une sécheresse prolongée entraîne une chute des fleurs, une mauvaise formation des cabosses et une réduction drastique des rendements. Même une hausse de 1 ou 2 °C des températures moyennes peut déséquilibrer entièrement le cycle biologique du plant.
Paramètres écologiques à considérer :
🌡️ Températures optimales : entre 22 et 26 °C;
🌧️ Pluviométrie annuelle : 1 500 à 2 000 mm, bien répartie;
👉 Humidité relative : > 70 %;
👉 Altitude idéale : 100 à 300 m.
Tout écart prolongé à ces conditions perturbe la floraison, la pollinisation, le développement des cabosses, et la lutte contre les maladies fongiques.
2. Cacao et climat: Des signes tangibles de crise climatique
Les effets du changement climatique ne relèvent plus de prévisions abstraites ou de modélisations futuristes. Ils sont aujourd’hui visibles et mesurables dans les zones de production cacaoyère d’Afrique de l’Ouest. Des anomalies météorologiques de plus en plus fréquentes, une saisonnalité devenue imprévisible, des rendements en baisse malgré les efforts agronomiques, et une pression accrue des maladies : tous ces signaux convergent vers un constat alarmant.
En Côte d’Ivoire comme au Ghana ou au Cameroun, les petits producteurs témoignent d’une réalité qui ne cesse d’évoluer : des périodes de sécheresse plus longues, des épisodes de pluies torrentielles qui détériorent les sols, une augmentation de la chaleur qui affaiblit les plants de cacaoyers, et des déséquilibres biologiques qui favorisent les ravageurs.
Ces changements affectent non seulement la quantité de cacao produite, mais aussi sa qualité, son pouvoir fermentaire, et la stabilité économique des ménages agricoles. Des études scientifiques récentes viennent appuyer ces constats de terrain, en montrant que certaines zones traditionnellement favorables au cacao deviendront marginales ou impropres à sa culture dans les décennies à venir si rien n’est fait[2].
📉 Baisse des rendements observée
Des données collectées par la World Cocoa Foundation et l’ICRAF montrent une tendance à la baisse des rendements depuis les années 2010, malgré des efforts d’intensification.
🌡️ Températures croissantes
En Côte d’Ivoire, des études menées par le CNRA (Centre National de Recherche Agronomique) ont démontré que la température moyenne annuelle a augmenté de 1 à 1,2 °C entre 1960 et 2020. Ce changement est associé à une augmentation des stress hydriques et thermiques sur les cacaoyers.
🌧️ Dégradation du régime pluviométrique
Les périodes de sécheresse prolongées, notamment en mars-avril (période critique de formation des cabosses), affectent le cycle reproductif de la plante.
3. Études de cas : Côte d’Ivoire, Ghana, Cameroun
Côte d’Ivoire: l’épicentre sous pression
L’étude de Yao Kouassi et al. (2022) montre que plus de 30 % des zones actuelles de culture seront inadaptées d’ici 2050 si aucune adaptation n’est mise en place. De nombreux planteurs de régions comme Daloa, San Pedro ou Soubré signalent des pertes de 30 à 50 % en cas de stress climatique sévère. Les sols deviennent moins fertiles du fait de l’épuisement des ressources organiques et de l’érosion.
Ghana: la montée vers les zones plus fraîches
Selon une étude de Läderach et al. (2013), les zones traditionnelles du sud deviendront trop chaudes, tandis que les hauts plateaux au nord (jusqu’alors impropres au cacao) pourraient devenir favorables. Ce phénomène entraîne une migration agricole vers des zones forestières vierges, posant des défis de conservation[3].
Cameroun: une diversité agroécologique affectée
Dans la région du Centre et du Sud-Ouest, la sécheresse et la variabilité climatique perturbent la saisonnalité. Le projet GIZ–IRAD (2020) met en place d’essais de variétés tolérantes à la sécheresse. Des résultats prometteurs mais une adoption encore faible.
Egalement disponible: Comment déterminer la nature d’un sol : Méthodes, enjeux et applications
4. Maladies et ravageurs en recrudescence
Le stress climatique ne fait pas que réduire les rendements : il affaiblit les défenses naturelles des plantes, facilitant la prolifération de maladies et de ravageurs.
- Black Pod (Phytophthora spp.) : aggravée par l’humidité excessive après les périodes de sécheresse.
- Capsides (Sahlbergella singularis) : plus résistants aux insecticides sous températures élevées.
- Swollen Shoot Virus (CSSV) : favorisé par les déséquilibres environnementaux.
🔍 Étude du CNRST (Burkina Faso, en collaboration avec le Ghana)
Une corrélation a été trouvée entre les sécheresses prolongées et une plus forte incidence du CSSV, qui peut détruire un verger en moins de 3 ans.[4]
5. Stratégies d’adaptation mises en œuvre
🌱 a. Sélection variétale et recherche agronomique
Des instituts comme le CNRA (Côte d’Ivoire), l’CRIG (Ghana) ou l’IRAD (Cameroun) développent des clones hybrides plus productifs, plus tolérants à la sécheresse et plus résistants aux maladies. Par exemple : clone C1 du CNRA, cultivé à Divo et Gagnoa, qui supporte mieux les pics de chaleur.[5]
🌳 b. Adoption de l’agroforesterie
L’intégration d’arbres d’ombrage (gliciridia, albizia, fruitiers). Ils modèrent la température du sol, retienent l’humidité et améliorent la biodiversité.
On peut citer le programme Cacao Forest (2018-2025) au Ghana : 3 000 producteurs formés, 600 ha en agroforesterie. Premiers résultats : rendement +15 %, baisse de 20 % des maladies fongiques.
📊 c. Formation et vulgarisation
Des ONG (Solidaridad, Rikolto, Rainforest Alliance) mettent en place des formations à la résilience climatique :
- Conservation de l’eau
- Fertilisation organique
- Suivi climatique avec applications mobiles
6. Les limites de l’adaptation actuelle
Malgré ces efforts, les défis restent nombreux :
- Coûts élevés des semences améliorées et du matériel végétal
- Manque d’accès au crédit agricole
- Faible taux de formation des petits producteurs
- Déforestation persistante comme stratégie d’évitement au lieu d’adaptation réelle
Selon un rapport de Climate Focus (2023), seulement 20 % des producteurs ivoiriens utilisent des pratiques compatibles avec l’agriculture climato-intelligente.[6]
7. Quelle durabilité pour la filière cacao ?
Le paradoxe est frappant : les pays producteurs souffrent le plus, alors qu’ils tirent le moins de valeur ajoutée de la chaîne cacao–chocolat.
🎯 Recommandations clés
- Renforcer la recherche appliquée sur les variétés climato-résilientes
- Incitations politiques à l’agroforesterie (via subventions, crédits verts)
- Valorisation des initiatives locales (associations de producteurs)
- Co-construction avec les industriels d’un commerce équitable et écologique.
Conclusion
Le cacao en Afrique de l’Ouest est au carrefour de l’urgence climatique, de la justice sociale et de la souveraineté alimentaire. Le changement climatique est bien réel, et ses effets sont déjà mesurables. Pourtant, il n’est pas trop tard pour agir : les solutions existent, les innovations émergent, les producteurs sont prêts à s’engager – à condition qu’ils soient appuyés.
La résilience du cacao africain dépendra de notre capacité collective à allier science, pratiques traditionnelles, et politiques volontaristes, afin que ce trésor noir de l’Afrique continue de nourrir le monde, sans se tarir.
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Références
[1] Läderach, P. et al. (2013). “Predicting the future climatic suitability for cocoa farming of the world’s leading producer countries, Ghana and Côte d’Ivoire.” Climatic Change.
[2] CNRA Côte d’Ivoire – Rapport annuel 2022
[3] IRAD Cameroun – Projet cacao-résilient (2020-2024)
[4] Climate Focus (2023). Sustainable Cocoa Production and Climate Resilience in West Africa.
[5] World Cocoa Foundation (2021). Climate Risks and Adaptation Strategies.
[6] Yao Kouassi et al. (2022). Evaluation des impacts climatiques sur la production cacaoyère en Côte d’Ivoire.

Direction des Opérations de Bonabéri, Douala, Cameroun.
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